Route de VELET, on passe régulièrement devant un portail derrière lequel se trouve une demeure ancienne appelée « le château» par les gens du village. La plupart ignore qu’au 17ème siècle ce bâtiment appartenait aux Pères Jésuites qui enseignaient à Gray. La propriété passe ensuite dans les mains de familles de commerçants et négociants. Milieu du 19ème siècle, le sculpteur Claude Edouard FORGEOT rachète la demeure pour son père, propriétaire exploitant, et depuis sept générations la maison est restée propriété de cette même famille. Claude Edouard FORGEOT, élève du maître sculpteur François RUDE, partira à Paris, puis à la Manufacture impériale de porcelaine de Sèvres où il sera sculpteur au département céramique. Au Louvre, l’aile de Flore expose l’une de ses œuvres, la sculpture du « Frondeur ». (1866). A Gray-la-Ville il ne reste aujourd’hui que quelques plâtres et prototypes, témoins de son travail, qui fut autant axé sur l’art religieux que sur l’art décoratif du Second Empire.
La maison fait l’objet à travers le temps de transformations, d’extensions. Les plans d’architecte du 19ème siècle montrent qu’à cette époque le parc entourant la maison était organisé en pelouses, bosquets, arbres fruitiers, vignes et potagers, hébergements d’animaux domestiques, clapiers, poules, chèvres, cheval, four à pain, puits, pompe et auge à lessive, tout cela permettant à la famille et au personnel attaché de vivre en autarcie. La culture de la vigne et la production de vin y occupaient une place particulière, témoins les vieilles cuves et presse en ruine dans les bâtiments annexes. La crise du phylloxera au 19ème siècle qui détruit la grande majorité du vignoble national sera vécue comme un véritable drame économique et affectif par la famille.
Claude Edouard FORGEOT a deux sœurs, Claudine et Elisabeth. Passionnées de mode, elles confectionnent des robes, proposent des tissus achetés à Paris lorsqu’elles rendent visite à leur frère et ouvrent un « Magasin de Mode » rue de l’église à Gray, à côté de chez « BRESARD ». Pendant la guerre de 1870, les sœurs FORGEOt auront l’obligation de donner le gîte et le couvert à des officiers prussiens, dans leur magasin de Gray.
La fille du sculpteur, arrière-grand-mère de la propriétaire actuelle, est élevée dans la maison par ses deux tantes modistes. Elle s’y installera ensuite avec son mari, instituteur à l’école EDMOND BOUR de Gray et y vivra les deux dernières guerres mondiales : Celle de 14-18, où son époux, trop âgé pour suivre le front, travaillera localement comme «GVC» (garde des voies de communication), avec les gens de Gray-la-Ville et des villages environnant; et bien sûr, la guerre de 39-45, où la maison est occupée en 1940, par des officiers allemands et leurs troupes. 18 soldats, à l’origine de multiples dommages de guerre !
….A nos jours
Au fil des trois dernières guerres, des crises économiques, des partages de succession et des périodes d’inoccupation, la maison a souffert et s’est vidée de son contenu. Mais elle reste aujourd’hui debout et riche de son histoire.